Béatrice MOLLE
Dimanche aura lieu à Larressore Elkartasun Eguna, la Journée de la solidarité (voir programme ci-contre). Solidarité avec les prisonniers et les réfugiés basques, avec cette année, une résonance particulière à la suite de la déclaration d’ETA de cessez-le-feu définitif. Le quotidien Gara a réuni à Socoa dix membres du Collectif des réfugiés politiques et a publié un reportage d’Iñaki Soto et Mikel Jauregui. Nous en reproduisons quelques extraits. Les “réfugiés” basques, diront certains, les “exilés”, diront d’autres. Une difficulté sémantique amplifiée par le fait que le citoyen basque venant du Pays Basque Sud et se réfugiant en Pays Basque Nord est un exilé sur sa propre terre. “Un jour, nous sommes partis de nos maisons, nous avons fui pour différentes raisons et beaucoup d’entre nous se sont arrêtés en Euskal Herria, mais dans une autre partie du pays. Comme les Irlandais qui ont passé la frontière et se sont retrouvés en Irlande”, remarquent les réfugiés. Difficile, voire impossible en l’état actuel de la situation, de donner un chiffre du nombre de réfugiés basques vivant au Pays Basque Nord ou dans des pays tiers. Un recensement difficile à faire du fait de la complexité des dossiers et des situations administratives.
Plusieurs générations
Ce que l’on peut affirmer, c’est qu’aujourd’hui, plusieurs générations de réfugiés basques se côtoient. De ces dix réfugiés que Gara a réunis, certains, comme Xabier Arin ou Eloi Uriarte, ont fui durant le franquisme, tandis que les plus jeunes, comme Jaione Dorai, Ibai Peña et Mikel Petuya, n’étaient pas encore nés. Jokin Aranalde a été arrêté et torturé pendant l’époque franquiste et connaîtra la même situation 30 ans plus tard. Il devra fuir une fois de plus. Xabier Ezkerra et Jon Irazola vivent exilés depuis respectivement 36 et 30 ans. Trente années aussi que Lourdes Mendinueta a quitté sa vallée natale de Sakana. Quant à Itziar Imaz, elle vit exilée depuis 42 ans. Elle est la veuve de José Luis Arrieta, “Azkoiti”, mort en exil. Le collectif, marqué par la pluralité, rappelle différentes époques à partir des années 1960 “où depuis toujours, d’une forme ou d’une autre, les deux Etats ont travaillé main dans la main, contre nous”. Et de citer Felipe González qui “en 1982 essaie d’user de son pouvoir sur les autorités françaises et son attitude face aux réfugiés qui [résidaient] en Ipar Euskal Herria”. D’autres moyens criminels comme le GAL furent également utilisés. “Les GAL sont arrivés à faire changer l’attitude du gouvernement français”, lancera l’un des réfugiés. Autre point d’évolution dans l’histoire des réfugiés, les expulsions vers des pays tiers entre 1983 et 1986. Des pays comme le Cap Vert, Sao Tomé, le Togo et le Panama, le Venezuela et Saint-Domingue. “On a donné à ces militants un statut qui n’existe pas puisque sous-tendu par aucune décision juridique. C’est l’arbitraire absolu. La déportation est arrivée à changer les personnes, et dans beaucoup de cas, les transformer en victimes. C’est dur de le dire, mais c’est ainsi”, remarque l’un des réfugiés.
Position du collectif
“Pour notre collectif, le fait que les déportés puissent revenir en Euskal Herria est une question prioritaire. Mais cela n’est pas de notre fait. La solution est entre les mains de ceux qui ont provoqué cette situation, et la responsabilité maximale en incombe aux autorités françaises. Cela ne veut pas dire, nous concernant, que nous ne ferons aucun pas”. Par ailleurs, le collectif indique que concernant la situation de l’ensemble des réfugiés, les décisions seront collectives, mais que chaque cas devra bénéficier d’un traitement juridique et personnalisé.
Un collectif qui se dit à 100 % impliqué dans le processus et en total accord avec la stratégie adoptée par l’ensemble de la gauche abertzale. La déclaration d’Aiete contient un paragraphe dénominé “Conséquences du conflit” : “Dans ce processus, nous sommes représentés à une table, l’une des parties a l’autorité et la légitimité pour nous représenter, mais il est clair pour nous que nous ne voulons pas nous convertir en éléments de blocage, quelque chose que les Etats pourraient utiliser comme étant un problème”. Le collectif assure qu’“en ce moment historique, la vocation de ce collectif, est, comme toujours, d’être un élément actif pour la démocratie et la liberté de ce pays”.
Demandes de transferts en Euskal Herria
Le secrétariat général des institutions pénitentiaires du gouvernement espagnol a reçu les demandes individuelles de chaque prisonnier basque demandant son transfert vers les prisons d’Euskal Herria. Par ailleurs, celles et ceux ayant accompli les trois quarts de leur peine, les prisonniers atteints de graves maladies et ceux dont la peine est allongée en application de la dite “doctrine Parot” ont aussi écrit aux administrations compétentes, afin de demander leur mise en liberté. Le Collectif des prisonniers politiques basques (EPPK) avait annoncé l’imminence de telles démarches. C’est donc le 10 décembre dernier, Journée internationale des droits humains, que chaque membre du collectif a remis un écrit à la direction de sa prison respective, demandant personnellement son transfert en Euskal Herria ainsi que pour l’ensemble des prisonniers basques. Ces demandes ont été ensuite transmises au secrétariat des institutions pénitentiaires qui légalement n’a pas de date butoir pour répondre. L’ensemble des membres du collectif des prisonniers a aussi remis des écrits aux autorités juridiques demandant la mise en liberté de celles et ceux à qui la loi en vigueur devrait permettre de recouvrer la liberté. Une décision prise par l’EPPK dans son ensemble, collectif qui avait annoncé que les prisonniers réalisant ce type de demandes compteraient sur son soutien.
Demandes d’explications
Paul Rios, coordinateur du mouvement pacifiste Lokarri, a demandé de la clarté au gouvernement espagnol : “Il faudrait un écrit spécifiant de manière claire quels critères seront demandés, afin d’accéder à des bénéfices pénitentiaires. Il doit s’agir de critères généraux et non de critères qui s’appliquent selon qui est le prisonnier. En Irlande, durant le processus de paix, trois conditions furent énoncées de manière générale, puis l’acceptation de ces conditions était individualisée. Une fois qu’il y a un schéma général pour toutes les personnes prisonnières, on peut ensuite étudier au cas par cas. Le plus pernicieux est l’ambiguïté entretenue aujourd’hui”. Par ailleurs, selon le collectif Egin Dezagun Bidea, organisateur de la manifestation de Bilbo samedi dernier et qui a réuni 100 000 personnes, 50 prisonniers navarrais pourraient être mis en liberté immédiatement, et ce dans le cadre de l’application de la loi en vigueur. Rappelons que 665 prisonniers basques sont aujourd’hui dispersés dans 70 prisons, dont 137 dans l’Etat français (dans 30 prisons) et 528 dans l’Etat espagnol (dans 40 prisons).
Prochain rendez-vous : le 27 janvier
Après la manifestation historique de Bilbo, Egin Dezagun Bidea donne rendez-vous à tout le Pays Basque le dernier vendredi du mois. Dans les prochaines semaines, des débats seront organisés concernant la défense des prisonniers basques. Egin Dezagun Bidea affirme que cette revendication bénéficie d’un large consensus consolidé. Les partis politiques basques dans leur ensemble sont favorables au rapprochement des prisonniers. Le PSOE avec certaines nuances. Quant au PP, il a récemment déclaré ne pas souhaiter recevoir de pressions sur ce thème et demande la dissolution d’ETA.
Le rapprochement, une revendication majoritaire en Pays Basque Nord
La revendication du rapprochement des prisonniers est aussi très présente en Pays Basque Nord. On a pu le mesurer lors de la manifestation du 7 janvier à Bilbo pour laquelle sept bus avaient été affrétés. Cette manifestation avait également été soutenue par de nombreuses personnes et organisations du Pays Basque Nord mais aussi des élues, comme par exemple l’adjointe au maire de Bayonne, Martine Bisauta, où la conseillère régionale Europe Ecologie Alice Leciagueçahar. Mais cette adhésion n’est pas nouvelle. Ainsi, en 1999, trois conseillers généraux, 48 maires, 16 adjoints au maire et 360 conseillers municipaux avaient signé une motion soit à titre individuel, soit au nom de leur conseil municipal. Parmi les élus qui avaient signé à titre individuel se trouvaient Didier Borotra, maire de Biarritz, et Nicole Péry, qui fut membre du gouvernement de Lionel Jospin et vice-présidente du Parlement européen.
Elkartasun Eguna à Larressore
Elkartasun Eguna, organisé par Askatasuna, débutera à Larressore demain, dimanche, à 12 heures par un apéritif suivi à 14 heures par un repas. A 17 heures, meeting avec prises de parole d’Askatasuna et du Collectif de réfugiés politiques basques. Le chanteur Anje Duhalde sera présent et un hommage sera rendu à Maite Aguerre, mère du prisonnier politique basque Didier Aguerre. Batasuna se joint à l’appel du mouvement pro-amnistie, “car le soutien aux prisonniers et aux réfugiés politiques basques prend une importance plus grande que jamais, pour que les droits de ces femmes et de ces hommes soient respectés, parce que ces collectifs doivent avoir une participation active à la résolution du conflit”.
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